Quelle belle question à apposer sur un livre ! Je fus pourtant étonnée de voir la petitesse et la minceur de celui-ci ! Il peut se glisser dans la poche arrière d’un jean. Mais ô combien il a su enflammer mon âme !
La collection Le choc des idées chez les éditions Le Muscadier propose un débat éclairé sur des sujets chauds. Celui qui nous intéressera : le végétarisme. À droite du ring, René Laporte qui est un ingénieur agronome et économiste ; à gauche, Élodie Vieille Blanchard qui est présidente de l’Association végétarienne de France ; au centre, comme médiateur, Éric Birlouez, un autre ingénieur agronome, mais sociologue et non économiste.
Le ton d’Éric Birlouez est tellement neutre qu’on se demande s’il s’adresse au lecteur ou à une entité quelconque. Il précise que la majorité des statistiques recensées sont à propos de la France dont la population a une consommation moins élevée de viande qu’en Amérique. Ensuite, il présente étrangement (*outrageusement, oui !) le végétarisme comme une option radicale. Pour un médiateur, c’est honteux. Il présente aussi les enjeux principaux évoqués afin de changer d’alimentation : le défi de la sécurité mondiale (avec le nombre total de la population mondiale augmentant à chaque année, comment assurer à tous un apport calorique minimal?), les impacts de l’élevage de masse sur l’environnement, l’enjeu de la santé (la viande ayant été maintes fois décrétée comme une cause principale de plusieurs de nos maladies modernes) et le grand problème de l’éthique comme choix individuel aux choix de société (si réellement, la consommation de produits animaux est nocive sur tous les plans, alors doit-on imposer une restriction ou une abolition à l’échelle de la société ‑ pas seulement comme choix individuel ?). Bref, le débat s’annonçait prometteur malgré le petit accroc du départ : le végétarisme étant loin d’être radical.
On donne la première prise de parole écrite à M. Laporte avec le valeureux titre « Le monde a faim de viande » : c’est sérieux. On commence par philosopher sur les droits de l’homme en tant qu’animal hors-norme au haut de la chaîne alimentaire. Puis, on fait un aveu tout simple, celui de la souffrance animale : « La qualité d’être sensible des animaux n’est plus contestée, elle est même reconnue dans la loi et dans les faits. » Cependant, il bifurque tout bonnement sur les améliorations apportées au système de « production agroalimentaire ». Ah! « Tuer humainement » est toujours plus attrayant, n’est-ce pas ? Quelques pages plus loin, M. Laporte évoque la possibilité que la viande aie pu favoriser la croissance du cerveau. Un seul regard à sa référence m’a indiqué qu’il prenait cette information du documentaire-fiction de Jacques Malaterre, L’Odyssée de l’espace, qui avait d’ailleurs créé une vive polémique. Ce qui est ironique, c’est qu’il ira jusqu’à discréditer, lors de son deuxième tour de parole, les références de Mme. Vieille Blanchard…
Il faut savoir qu’alors que je lisais ce livre, j’étais végétarienne. Pourtant, M. Laporte m’a convaincue de me laisser aller au végétalisme dans son chapitre « La viande et le lait sont indissociables ». Il s’attendait invraisemblablement à affronter une végétarienne ce qui aurait amené un débat contradictoire de la part de d’Élodie Vieille Blanchard puisqu’elle aurait dû justifier les contradictions évidentes de son/ce mode de vie. Heureusement, la présidente de l’Association est végétalienne.

M. Laporte essaiera tant bien que mal de démystifier les « mythes végétariens » en incitant le lecteur à croire que la viande n’est pas responsable de la faim dans le monde, mais plutôt un problème de répartition des ressources ; que la viande n’est pas responsable de la déforestation ; que les animaux ne gaspillent pas les céréales et l’eau ; que la viande ne crée pas TANT de gaz à effet de serre qu’on voudrait vous le laisser croire. Sa seule option valide pour discréditer tous ces faits est de discréditer les sources des végétariens et cela avant même que Mme. Vieille Blanchard aille put placer un mot !
Pourtant, René Laporte est un spécialiste des questions animales. Il a travaillé comme consultant sur la protection et le bien-être des animaux. Or, le plus gros problème de son argumentation, selon moi, est qu’il considère les animaux comme des objets. Le sujet du débat est alors déplacé dans des raisonnements remplis de piètres excuses de l’homme aimant « la viande » alors qu’Élodie Vieille Blanchard commence son propre argumentaire par le fait qu’elle aime les animaux, ce qui fait une énorme différence.
Rassurez-vous, vous n’avez pas à aimer les animaux pour devenir végé, seulement à agir en conséquence de votre logique ‑ et seulement si elle vous mène au végétarisme, bien entendu !
Donc, alors que René commence son texte d’une façon vague et impersonnelle, Élodie Vieille Blanchard choisit de nous ouvrir les portes de son enfance passée à la ferme. Elle précise qu’elle est bénévole et qu’elle ne gagne rien à prodiguer le message du végétarisme. Elle ne représente aucun lobby, car il n’existe aucun lobby du végétarisme. Et oups ! Un regard sur la quatrième de couverture nous indique que ce n’est pas le cas de M. Laporte puisqu’il « a dirigé les organisations professionnelles du commerce du bétail et de l’industrie de la viande ». Alors que M. Laporte essayait aussi de démontrer la « mesquinerie » des végétariens qui leur attribuerait un effet sectaire comme s’ils étaient tous endoctrinés, on se demande alors pour quelles raisons ils voudraient « endoctrinés » les autres alors qu’ils n’ont rien à y gagner : aucune redevance, aucun bénéfice provenant du ciel, rien. Sauf peut-être le fait de payer moins d’impôts, dans un futur lointain, lorsque les hôpitaux seront dégorgés…
J’en ai dit assez pour vous donner envie de lire ce qu’Élodie Vieille Blanchard avait à répliquer. Ce petit chef-d’oeuvre de 125 pages est un concentré d’informations qui se finit, je vous le dit, en queue de poisson entre les excuses des uns et les arguments des autres, MAIS vous êtes un être intelligent, et bien que le livre soit neutre, le débat ne l’est pas: votre tête devra donc faire un choix. « Faut-il manger de la viande? » : La question est biaisée dès le départ. D’un ordre éthique, la question de la viande n’existe pas. Avant elle, est l’animal. Les questions devraient donc être : Faut-il tuer pour manger ? Avons-nous le choix? Qu’est-ce qui est le mieux pour ma santé et pour l’environnement ?
Rire, frustrations et détermination accompagnent ce petit calepin: ouvrez-le. Voilà tout. À la prochaine chicane…
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