Par Ingrid Gendron
L’ennui
De considérer l’autre ultime de vermine
La propulse dans un ascenseur sans fin
Au lieu de s’endormir sur de justes principes
De considérer l’autre ultime de vermine
De considérer l’autre ultime de capsule vide de sens
Au lieu de s’endormir sur de justes principes
Et de concrétiser les impératifs qu’elle caresse
De considérer l’autre ultime de capsule vide de sens
Dont le procès de mise à mort gronde avant la naissance
Et de concrétiser les impératifs qu’elle caresse
Pour mettre l’injustice derrière
Dont le procès de mise à mort gronde avant la naissance
La propulse dans un ascenseur sans fin
Pour mettre l’injustice derrière
L’ennui
***
La justice éternelle
N’est plus l’apanage de l’espèce humaine
Dans un monde où la pensée critique s’aiguise
Le statut de bien de propriété de l’animal est un cauchemar
N’est plus l’apanage de l’espèce humaine
Allégresse, euphorie, jubilation
Le statut de bien de propriété de l’animal est un cauchemar
Pour les individus vêtus d’une valeur inhérente
Allégresse, euphorie, jubilation
Pour quiconque possède des os, du sang, un cœur
Pour les individus vêtus d’une valeur inhérente
L’éveil exige de se libérer d’idées insidieuses et d’en coucher sur papier de nouvelles
Pour quiconque possède des os, du sang, un cœur
Dans un monde où la pensée critique s’aiguise
L’éveil exige de se libérer d’idées insidieuses et d’en coucher sur papier de nouvelles
La justice éternelle
***
Compersion
Joli mot à dix lettres qui n’a guère de poids
Dans le plus affreux des mondes possibles
Où ils ne se réjouissent pas du bonheur des pauvres en monde
Joli mot à dix lettres qui n’a guère de poids
Les configurateurs de monde n’auraient pas vu les opprimés hurler sous le soleil
Où ils ne se réjouissent pas du bonheur des pauvres en monde
Ou ils auraient crevé leurs yeux et leurs oreilles
Les configurateurs de monde n’auraient pas vu les opprimés hurler sous le soleil
Beaucoup sont nés sans avoir vu la lumière du jour
Ou ils auraient crevé leurs yeux et leurs oreilles
Peu veulent s’infliger ce mal du siècle
Beaucoup sont nés sans avoir vu la lumière du jour
Dans le plus affreux des mondes possibles
Peu veulent s’infliger ce mal du siècle
Compersion
***
Tic.
Tac.
Tic.
Tac.
Tic.
Tac.
Le bruit que j’entends depuis dix minutes dix secondes fait partie du malheur d’avoir vu le jour. Naissance issue d’un devoir religieux et d’un devoir sociétal. Les yeux imbibés de larmes et d’images horrifiques, grands ouverts sur l’horloge, je n’arrive plus à m’endormir. Je crains de faire le même cauchemar que je fais depuis dix jours. Une dystopie. Le dernier des abattoirs et des zoos ne fermeront jamais. Le dernier animal limitrophe et le dernier animal sauvage se feront sauvegarder dans un lieu clos pour être observés, puis tués lorsqu’ils ne seront plus utiles. Le dernier chat et le dernier chien devront être inséminés pour donner naissance à d’autres chats et chiens afin que les configurateurs de monde ne se sentent plus seuls. Je ne suis plus certaine que ce soit une dystopie. Mon triangle d’amies me dit que je suis pessimiste. Les autres ne disent rien. Cela fait aussi partie du malheur d’être née d’avoir à composer avec cette doctrine philosophique qui s’est transformée en insulte et de composer avec un silence qui veut tout dire. Ou rien du tout. Je devrais être heureuse d’être née humaine, et de posséder un statut de personne. Pourtant, je n’en suis plus convaincue. Je pourrais être séquestrée, violée à répétition, puis tuée humainement. Peut-être que c’est le sort qui est réservé aux traîtres de leur espèce. J’ai osé livrer un poème devant un public rempli de configurateurs de monde dans le pire des mondes possibles. Je me suis rendu compte que le courage moral n’est plus une qualité à l’ère de la post-vérité lorsqu’on m’a lancé des sécrétions de poule. Le message est clair : on veut me décourager de rédiger de nouvelles idées. On ne veut pas qu’un membre de l’espèce supérieure puisse tenter de plaider pour ce qu’ils appellent des imbéciles heureux. On me hurle que mon devoir de justice serait de plaider plutôt pour la pauvreté dans le monde. Je refuse le statut de bien de propriété de l’animal et personne ne va me faire taire ou me trancher les doigts. Ma naissance n’aurait au moins pas été vaine. Je n’ai peut-être plus beaucoup d’espoir, mais j’ai la consolation de me dire que dans notre temps et dans l’écrasante majorité des espaces, au moins une personne se rendra compte que le véganisme est un impératif moral à travers une forme d’art. La désolation m’assène un coup de marteau sur la tête. Je réalise que l’ombre finit presque toujours par triompher sur la lumière. Le temps se presse. Je ne sais pas si je vais réussir avant de tomber dans les bras de Morphée pour l’éternité.
Tic. Tac. Tic. Tac. Tic. Tac.