« Le temps viendra où l’humanité étendra son action sur tout ce qui respire. Nous avons commencé par nous occuper de la condition des esclaves, nous finirons par adoucir celle des animaux ».
– John Lawrence, 1796
Cet article ne vise pas à revoir les conditions, bonnes ou mauvaises soient-elles, auxquelles sont confrontés les animaux vivant dans des parcs zoologiques, mais consiste plutôt à critiquer le concept même de ces établissements.
Réfléchissez bien avant d’amener vos enfants dans un parc zoologique, même si ce n’est que pour leur montrer à quel point l’humain peut être cruel. Exceptés quelques rares zoos où l’on a réussi à aménager de façon adéquate un lieu propice à la protection et à la conservation de l’animal ‑ par l’entremise desquels on espère sensibiliser la communauté sur la nécessité de préserver les environnements et les espèces menacés ‑ il faut avouer que la majorité de ces parcs d’attraction animaliers ne peuvent être vus ainsi.

Le désir de l’humain de présenter des images calquées sur la réalité, une réalité qu’il jalouse du plus profond de son inconscient, celle d’une liberté trépassée dont il n’a que trop peu de souvenirs, se fait au dépend de la liberté des animaux sauvages. En s’inspirant de la pensée de Rousseau, qui considérait que la liberté était une distinction métaphysique radicale entre l’humain et l’animal, et que, de ce fait, l’homme a acquis la qualité d’un « agent libre » une fois délivré de son état de nature, il apparaît que l’homme, au cours de son évolution, se soit dégradé au point de devenir un être inévitablement contraint. Contraint par des réalités sociales complexes qui le maintiennent dans un désordre et qui font de lui tout sauf un être libre.
Dans ces parcs souvent mal entretenus se côtoient des animaux d’ailleurs et d’autrefois. Des animaux que l’on conserve dans de vains endroits, délimités par des grillages ; uniquement à des fins de divertissement. Des animaux d’Afrique pour nous transporter à l’autre bout du monde. On leur saisit leur liberté pour mieux nous la représenter. On les capture dans leurs milieux naturels pour ensuite les cloîtrer dans une copie artificielle de ceux-ci. On expose cette liberté, on l’a consomme, on la contemple puis on retourne chez soi, riche de quelques photos, sans mesurer l’impact écologique que ces dernières ont capturé.
Une analyse brillante de ces institutions présentes dans nos sociétés pourtant dites modernes, pose un regard sur ces parcs avec un calme apaisant en nous fournissant une explication logique à l’insensé. Cet ouvrage intitulé Zoos, Histoire des jardins zoologiques en occident (XVIe-XXe siècle), par Éric Baratay, un spécialiste de l’histoire des relations humains-animaux et Élisabeth Hardouin-Fugier, professeure d’histoire de l’art à l’université Jean-Moulin de Lyon, étudie l’évolution des zoos parallèlement à l’histoire, la culture et la politique, et évoque ce « désir de nature » ainsi que la « volonté de maîtriser » qui s’éclipse derrière ce besoin de l’humain d’exposer les animaux dans des parcs zoologiques. Leur travail met en évidence cette pulsion de l’humain de vouloir dominer son environnement, mais plus particulièrement, son aversion pour tout ce qui lui échappe.

Le zoo n’a cependant pas toujours détenu des animaux. On a vu par le passé les Occidentaux exposer les peuples non caucasiens dans des zoos humains. Une mise en scène où le rapport de force s’établit entre le vainqueur et le vaincu. A-t-on encore aujourd’hui besoin d’affirmer notre supériorité vis-à-vis de ce qui nous est étranger ? Il semblerait que oui, et ce comportement serait naturel, ancré au plus profond de nous. Or, ce comportement est à la base du manque de questionnement sur la légitimité de nos actions et explique pourquoi nous continuons aujourd’hui de contraindre des animaux à vivre dans des conditions qui ne leur conviennent pas. Est-ce simplement une question de temps avant de voir une prise de conscience ou de moyens nécessaires, qu’ils soient juridiques, politiques ou sociaux, pour abolir les parcs zoologiques ? Sommes-nous déraisonnables, voire insensés de continuer à enfermer des animaux dans des zoos comme ce fut le cas de peuples colonisés afin que nous puissions assouvir notre curiosité ?
Bien qu’il soit faible, l’espoir est là. Effectivement, nombreux sont ceux aujourd’hui qui partagent cette opinion au sujet des zoos. Dans son ouvrage pour enfants intitulé Un autre regard sur les zoos, Franck Schrafstetter, président de Code animal, une association militant contre la détention des animaux dans les cirques et les zoos, illustre l’absurdité de présenter un animal en captivité à un public. Ce dernier justifie sa visite au zoo par son intérêt pour la nature et les animaux. Or, « une espèce hors de son espace n’est qu’une ombre, car toute la morphologie et le comportement de l’animal sont adaptés à son milieu. Un lion à qui on livre des kilos de viande du supermarché dans la brouette d’un zoo n’a rien à voir avec le lion à l’affût de sa proie dans la savane africaine ». Il est donc incohérent de maintenir des parcs zoologiques sous le prétexte de vouloir sensibiliser les citoyens à la protection animale. Ce que l’on fait est simplement leur démontrer le comportement des animaux en captivité, le lien avec l’état naturel étant inexistant.
Enfin, plusieurs démarches législatives et poursuites judiciaires ont été intentées contre des zoos au cours des dernières années. La détention des animaux sauvages dans des conditions qui ne leur sont pas favorables est présente dans le domaine légal depuis déjà plusieurs années. Pourtant, il est clair que la responsabilité ne repose pas uniquement sur les épaules des propriétaires de parcs zoologiques, mais aussi sur celles de ceux qui chaque année visitent par millier ce genre d’endroits ; la loi de l’offre et la demande étant à la base de la problématique. Sans cet intérêt général, aucun profit ne serait réalisé, n’offrant aucune légitimité à leur existence. Utopie quand tu nous tiens… La responsabilité de ce calvaire animal repose entre nos mains à tous, l’inaction à son égard l’est tout autant.
Sources :
J. LAWRENCE, « Philosophical treatise on the moral duties of man towards the brute creation », H. SALT, Les droits de l’animal, considérés dans leur rapport avec le progrès social, 1892, traduit par L. HOTELIN, Paris, H. Welter, 1900, p 11.
FLORENCE BURGAT, « Éric Baratay & Élisabeth Hardouin-Fugier, Zoos. Histoire des jardins zoologiques en Occident », dans L’Homme, 1999, Volume 39, pp. 290-292.
CATHERINE VINCENT, « Faut-il encore des zoos? », Le Monde.fr, Le monde culture et Idées, 27 février 2014.
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